Investissement scientifique européen et international

Normes, déviances et délinquances sont très dépendants des institutions et de l’histoire de chaque société ; il importe d’autant plus d’investir fortement la dimension internationale de manière à disposer de comparaisons qui remettent les particularités nationales à leur juste place. Dans cette perspective, participer à la construction de l’Europe des sciences est de première priorité.
L’étude des crimes et des déviances figure parmi les domaines où va se jouer la structuration de l’Europe des sciences. Naguère étroitement enserrée dans les limites régaliennes des diverses sociétés nationales, cette matière fait désormais figure d’enjeu dans la coopération entre les communautés scientifiques des différents pays de l’Union. La concurrence est déjà vive pour y tenir un rôle fédérateur et une place honorable.

Construction d’une revue et d’une collection d’ouvrages

J’avais commencé au milieu des années 1970 en lançant la création d’une revue spécialisée – Déviance & Société – à la fois francophone (mais avec des résumés en quatre langues) et europi éenne (avec aussi des associés sur le continent américain). Piloté par un comité qui réunit des membres d’une douzaine de pays différents, ce périodique existe depuis 1977. Il est labellisé par le CNRS ; les principales bases de données (francophones, anglophones et germanophones) spécialisées le recensent. Ses numéros récents sont mis en ligne sur CAIRN, les plus anciens sur PERSEE. J’ai partagé sa direction scientifique avec Hugues Lagrange et Renée Zauberman le temps d’un mandat quadriennal. Je prends toujours une part active au comité éditorial, à ses réunions trimestrielles itinérantes dans les différentes universités participantes, et au travail de sélection et d’évaluation des textes. J’ai notamment pris la responsabilité de débats (sur justice et corruption) ou de numéros spéciaux (sur les statistiques criminelles, sur les enquêtes de victimation).
J’assume aussi (de concert avec Renée Zauberman), sous le contrôle du comité éditorial, la direction d’une collection d’ouvrages. Comme la formule éditoriale initiale convenait mieux à une revue qu’à une série, on a rapatrié celle-ci chez un éditeur parisien, tout en maintenant la synergie avec la revue dont la base éditoriale est demeurée à Genève.

Création & développement d’un réseau européen et international

Mon action européenne a vraiment pu s’intensifier avec la création du Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN). Au milieu de la décennie ’80, une table ronde du CNRS avait mis en lumière la dispersion des investissements scientifiques nationaux entre plusieurs disciplines et une multiplicité de lieux de production dont les plus petits risquaient l’isolement. La stratégie envisagée a été européenne plutôt que nationale ; on se préoccupait déjà des perspectives de structuration de l’Europe des sciences et de la nécessité d’y être précocement présent. Le CNRS m’a demandé de lancer une expérience sous la forme d’une recherche coopérative sur programme (RCP). Ses résultats ont conduit à me confier la charge d’un groupement de recherche (GDR), transformé ensuite en Groupement de recherche européen (GDR-E), vite devenu un réseau de référence qui réunissait plus de quarante centres d’une douzaine de pays européens.
Spécialisés dans l’étude des normes et des déviances et des délinquances, soit leur statut était universitaire, soit ils appartenaient à de grands établissements scientifiques (Max-Planck Gesellschaft, CNRS…), dans quelques rares cas leur rattachement était seulement administratif (Home Office Research, Development and Statistics, Wetenschappelijk Onderzoeks en Documentatie Centrum…). Ils étaient implantés dans onze pays d’Europe occidentale (Belgique, Espagne, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, République fédérale d’Allemagne, Royaume-Uni, Slovénie, Suisse). En outre, le réseau avait des membres associés dans les deux Amériques et en Inde.
Le consortium était géré par trois organes : un conseil de groupement, un comité scientifique et une direction. Il était implanté sur le même site que son centre tête de réseau, le CESDIP qui lui fournissait personnel, soutien logistique, moyens documentaires et ressources scientifiques.
Il avait mis au point différents outils de coopération :
– le séminaire de recherche qui réunissait pendant deux à trois ans sur un thème des spécialistes de différents pays afin de dégager une plus-value comparative et de déboucher sur une publication ;
– le colloque : une formule analogue mais ramassée sur quelques jours ; le GERN était alors associé à un autre partenaire (Univ. Hamburg, Univ. São Paulo, Univ. Ottawa, Univ. Montréal, Institut international de sociologie juridique, Maison des sciences de l’Homme de Paris, U. d’Angers, Institut européen de Florence, UCL…) ;
– l’interlabo où un centre membre du groupement présentait à la discussion une recherche en cours ou fraîchement achevée ; chaque année, le GERN en organisait quatre ;
– les publications : le GERN a publié plus de quarante ouvrages ou numéros spéciaux de revues dans six langues différentes ; il s’appuyait, d’autre part, sur une synergie étroite avec la revue internationale Déviance & Société et avec sa collection de livres ; enfin, chaque mois, il diffusait, par voie électronique, une Lettre d’information multilingue ; un site (www.gern-cnrs.com) permettait d’informer sur ses activités ;
– pour finir, les échanges de chercheurs et le développement d’une école d’été pour doctorants et jeunes chercheurs.
Par ailleurs, le GERN a dirigé, dans le cadre du 6°PCRDT, une action coordonnée européenne (CRIMPREV) à laquelle ont participé pendant trois ans trente universités ou EPST de dix pays européens (voy. www.crimprev.eu)
Avec ce dispositif, on s’est probablement assuré un certain capital de confiance parmi les spécialistes européens du champ, grâce à un engagement loyal dans un système de décision partagée. En tout cas, le flux constant de nouvelles demandes d’adhésion traduit le succès de l’entreprise.
J’ai dirigé le GERN jusqu’en 2005. Il est maintenant placé sous la direction de René Lévy. Sa formule a été modifiée ; elle repose désormais sur les cotisations de ses membres et les réponses à des appels d’offres. Ses modalités de fonctionnement, son programme de recherches et ses publications actuels sont accessibles sur son site.

Création d’un Laboratoire européen associé

Le CNRS m’a également demandé au milieu des années 1990 de jeter les bases d’une autre expérience de coopération scientifique européenne : il s’agissait de monter un Laboratoire européen associé (LEA) entre des unités du CNRS et un institut de la Max-Planck Gesellschaft.
J’ai d’abord été chargé de préparer, en 1996, un rapport de faisabilité en vue d’une rencontre entre le directeur général du CNRS et le président de la MPG. Après l’homologation de mes conclusions, le CNRS m’a confié la mise sur pied du dossier. De concert avec les directeurs des formations concernées dans les deux EPST, j’ai donc préparé des statuts, un budget et un programme quadriennal.
Il s’agissait de consacrer un LEA à l’étude des délinquances et politiques de sécurité et de prévention ; recherches comparatives franco-allemandes. Trois volets ont été distingués dont chacun comprend plusieurs thèmes de recherche :
– police, justice et immigration,
– usage, trafic et économie des stupéfiants en régime de prohibition,
– politiques de sécurité.
Le LEA a été créé au mois de mars 1998. J’ai présidé le comité directeur pendant un mandat ; Hans-Jörg Albrecht, René Lévy et Dominique Duprez m’ont succédé dans cette fonction, tandis que Fabien Jobard a été nommé directeur exécutif du LEA. Cette expérience de coopération bilatérale franco-allemande a maintenant pris fin.

Enseignements à l’étranger

J’ai enseigné, et j’enseigne encore dans des universités étrangères, soit comme professeur invité, soit comme professeur visiteur.
Outre les universités de pays européens voisins, notamment celles où sont implantés des centres adhérents au GERN (par exemple Liège, Porto, Torino, Padova, Bologna, Genève, Saarbrücken, Hamburg, Louvain, Leuven, Saint Louis…), j’ai notamment assuré, presque chaque année entre la fin des années 1960 et la décennie 1990, des enseignements dans les départements de criminologie des Universités de Montréal et d’Ottawa. Par la suite, la montée en puissance de mes engagements européens m’a contraint à rendre moins régulières puis à délaisser progressivement ces prestations américaines.

Conférences, congrès & colloques

Je suis très souvent amené à présenter des rapports dans des conférences, congrès et colloques de toutes sortes, dans onze pays (Belgique, Brésil, Canada, Espagne, France, Italie, Portugal, République fédérale d’Allemagne, France, Suisse, Venezuela).

Comités éditoriaux

J’ai fait partie des – ou je participe encore aux – comités de plusieurs revues étrangères ou internationales comme le British Journal of Criminology ; Criminologie ; Crime, Histoire et Sociétés ou Dei Delitti e delle Pene, devenu Studi sulla Questione criminale, Déviance & Société, comité scientifique de la Revue interdisciplinaire d’études juridiques…

Evaluations scientifiques

Une partie assez lourde de mon activité consiste à évaluer des personnels ou des projets dans différents pays.
Il peut s’agir de participer à des comités de nomination (Grande-Bretagne, République fédérale d’Allemagne…), d’intervenir comme expert dans des procédures de promotion d’universitaires ou de chercheurs ou de remises de distinctions académiques (Belgique, Canada, Espagne, France, Israël, Italie…), surtout d’évaluer des projets de recherche ou des manuscrits (Chili, Suisse, Canada, France, Mexique…), voire des programmes universitaires (Canada…), ou enfin l’ensemble du dispositif de recherche d’une faculté (Belgique).

Participation à des organes consultatifs internationaux

J’ai été membre du conseil scientifique criminologique du Conseil de l’Europe et je l’ai présidé pendant un mandat au cours de la décennie ’80.
A ce titre, j’ai servi de conseiller scientifique au comité directeur des problèmes criminels du Conseil de l’Europe, organisé une conférence et un colloque, mis sur pied des groupes de travail, désigné des experts scientifiques pour différentes tâches du Conseil de l’Europe.